Venise mystérieuse : l’Ange du Nord

Notre itinéraire commence au-delà du Pont du Rialto du côté du marché, cœur historique et marchand de Venise, le lieu où - selon  la légende - la ville fut fondée avec la construction de la petite église de San Giacomo, le 25 mars 421. Le pont du Rialto est le plus ancien des quatre ponts qui traversent le Grand Canal de Venise, construit entre 1588 et 1591 sur le projet d’Antonio Da Ponte pour remplacer un pont précédent, plusieurs fois effondré et reconstruit. Son nom dérive de « Rivus Alto » (canal profond), car à ce point du canal les rives étaient plus hautes et toute la zone était protégée des marées montantes. La structure du pont est composée de deux rampes inclinées reliées au centre par un porche. 

Après avoir passé le pont du Rialto, en prenant la Calle Larga Mazzini, vous rencontrerez Campo San Salvador, où se trouvait autrefois la halte à laquelle les chevaux devaient être attachés, lorsque ces animaux étaient le principal moyen de transport pour se déplacer dans la ville. Un décret du 29 février 1287 interdisait en effet de parcourir la Merceria à cheval. On dit aussi qu’il y avait un puits ici pour les abreuver. Ici, vous pourrez admirer l’église de San Salvador, d’origine très ancienne, et le cloître voisin. Sur la place se trouve également une colonne commémorative des émeutes de Venise de 1848-1849.

À droite de Campo San Salvador s’ouvre Calle del Lovo, une rue pavée de marbre qui mène au pont du même nom. Le Pont del Lovo est une petite structure voûtée, et c’est le seul pont à partir duquel vous pouvez voir le campanile de Saint-Marc de manière définie. Le nom vient de Lovo, ou « loup », le nom d’une ancienne famille vénitienne très influente. Cependant, il n’était pas rare de trouver des loups au bord de la lagune. 

Une fois passé le pont del Lovo, prenez tout droit jusqu’à Calle del Teatro ou de la Comedia : faites quelques pas sur votre droite, vous verrez la façade du Teatro Goldoni. Au coin du théâtre s’ouvre une rue étroite menant à la Cour du théâtre. À hauteur du numéro 4063, en levant les yeux, vous reconnaîtrez parmi les frises une petite tête de femme très ancienne : selon la tradition, c’est la tête de la « vieille » de Saint Paternian. Selon une légende vénitienne, une vieille femme qui habitait à proximité avait l’habitude de cacher son argent dans la doublure d’un vieux manteau conservé dans le grenier. Un jour, le fils offrit son manteau à un pauvre indigent. La femme, apprenant ce qu’avait fait son fils, lui promit, s’il avait récupéré son manteau, de lui léguer tout l’argent qu’il y avait caché. Son fils, alors déguisé en mendiant, rencontra le pauvre homme sur le pont du Rialto et lui fit cadeau de son manteau épais et chaud en échange de l’autre. Avec l’argent récupéré, son fils ouvrit une pharmacie, appelée encore aujourd’hui la « Vecchia » (Vieille en français) et y fit apposer la statue de sa mère. La tête que l’on admire aujourd’hui à la Cour du Théâtre est ce qui reste de la sculpture. 

En tournant autour du bâtiment avec la tête de la vieille et en prenant la Calle del Forno, vous arrivez à Campo San Luca. Ici, vous remarquerez un porte-drapeau en pierre d’Istrie datant de 1310 en souvenir de la victoire du Doge Bartolomeo Gradenigo contre les conjurés dirigés par Bajamonte Tiepolo. Avec Campo San Bartolomeo, Campo San Luca a longtemps été l’un des points de rencontre les plus fréquentés par les citoyens Vénitiens en raison de son emplacement central.

À un coin du terrain s’ouvre Calle Carbon, le long de laquelle on arrive jusqu’au Grand Canal. Ici, après avoir tourné le coin à gauche, vous vous trouvez devant Ca’ Loredan, le siège de la municipalité de Venise. En regardant la deuxième colonne à gauche, on reconnaît le graffiti d’un homme avec une longue pipe vêtu de vêtements du XVIIe siècle. Selon la tradition populaire, il représenterait un homme nommé Biagio, qui le soir aimait s’arrêter sur les rives du Grand Canal et fumer sa pipe. Un jour, un fait extraordinaire se produisit : sous une gondole, l’eau devint rouge et s’ouvrit, laissant le bateau suspendu dans le vide. Le gondolier se jeta dans l’eau et s’enfuit à la nage. De l’eau sortirent deux bras noirs (les bras de Satan, sans aucun doute !) qui tentaient de geler la gondole. Biagio remarqua seulement alors que le bateau accueillait deux petites filles ; il cria alors au diable de le prendre à la place des petites filles, mais le diable répondit en riant qu’il ne le ferait que si l’homme avait été capable d’embrasser le monde entier. Les bras de Biagio se détachèrent alors en vol de son corps, escortés d’une troupe d’anges : Satan abandonna aussitôt son dessein et les petites filles furent sauvées. 

En parcourant la Riva del Carbon et en tournant dans la Calle Cavalli, on arrive à Campiello de la Chiesa et à la branche de la Salizzada. Après cela, nous arrivons à Campo Manin, une grande esplanade située au centre, parmi les plus célèbres de la ville. Sur un côté du terrain se trouve le bâtiment moderne de la Cassa di Risparmio de Venise, où se trouvait autrefois la prestigieuse Accademia Aldina, fondée en 1494 par l’imprimeur vénitien Aldo Manunzio pour promouvoir l’impression des classiques latins, grecs et italiens. Au centre de la place se dresse le monument dédié à Daniele Manin, célèbre patriote vénitien. Le camp abritait également l’église de San Paternian, démolie par Napoléon.

Une fois passé le pont San Paternian et en continuant le long de la rue du même nom, l’on arrive dans Salizada de la Chiesa ou du Théâtre. En tournant à droite, continuez jusqu’à Campo San Beneto, ou Campo San Benedetto en vénitien, une un peu cachée, généralement omise par les itinéraires touristiques normaux. D’un côté on admire le Palais Fortuny, tandis que de l’autre on observe l’arrière du Palais Volpi di Misurata et la façade de l’Eglise de San Beneto. Au centre se dresse une fontaine.

De Campo San Beneto, prenez maintenant Calle Pesaro et Calle Michiel. Tournez à gauche dans la Calle degli Avvocati et vous voilà à Campo Sant’Angelo, terminus de cet itinéraire à pied de Venise. Amusez-vous à chercher sur le sol de la place une pierre tombale qui montre où se trouvait autrefois l’église dédiée à San Michele Arcangelo, qui donne son nom à toute la région, démolie au XIXe siècle lors des spoliations napoléoniennes. Ici se trouvent le Palais Trevisan Pisani, le Palais Gritti Morosini, le Palais Duodo et le monastère de Santo Stefano. Enfin, il y a aussi deux puits du XVe siècle et le petit Oratoire de l’ Annunziata, avec cinq baies vitrées venant de Murano.